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Vendredi 28 novembre 2025 Sainte Catherine Labouré La joie de n’être rien Il n'y a qu'une seule chose de bonne : la volonté du Maître. C'est de le servir de la manière qu'il choisit d'être servi par nous, et non pas de la manière que nous préférerions. Oh que c'est bon d'être à lui totalement, non pas seulement dans une protestation générale de lui appartenir, mais d'être pris par lui, de se laisser prendre par lui, j'allais dire parcelle par parcelle, morceau par morceau, goutte de sang par goutte de sang, alors que notre âme et notre vie sont sans cesse happées, sans que cela finisse jamais de recommencer, dans l'âpre rouage des petits devoirs quotidiens et des petites vertus d'un usage courant. Se sentir à chaque instant être la chose du Christ, saisie par lui, roulée par lui, triturée par lui, moulée par lui, douloureusement sculptée par lui, pour, par lui, de plus en plus s'approcher de la ressemblance avec lui, pour devenir lui, pour n'être plus qu'un avec lui. Oh ! sachez que votre vie doit être faite de pas moins que cela, doit audacieusement et magnifiquement rêver de pas moins que cela, qu'elle doit s'exalter de savoir qu'elle se hausse à pas moins que cela. Ou plutôt, que le Christ l'y hausse. Ce n'est pas nous qui allons au Christ, c'est lui qui vient nous chercher et nous prendre, nous prendre tels que nous sommes avec nos hautes insatisfactions, nos ardents et nobles désirs, nos petits sacrifices que nous nous arrachons à nous-mêmes, et que nous sentons si éloignés et si indignes du don total qui est seul digne du Christ... Oui, il vient nous prendre avec tout ce qu'il y a de bon en nous, mais aussi avec nos misères et nos faiblesses, avec nos doutes et parfois nos découragements, nos recommencements perpétuels à nous donner, qui retombent à chaque instant à être des recommencements perpétuels à nous reprendre. J'allais dire découvrez et vivez — oh ce que je vais dire — la joie, oui la joie profonde et inégalable de vous savoir rien, de vous sentir rien... qu'il n'y a en vous de bon et de digne du Maître que ce que lui-même met en vous... de vous dire, qu'avec les ébauches de vos velléités qui retombent sans cesse sur elles-mêmes, de vos pauvres efforts que vous vous arrachez sans cesse et qui sans cesse vous retombent des mains, qu'avec tout cela le Christ — lui seul car lui seul y est de taille — avec tout cela le Christ réalise la gageure magnifique de faire de vous un autre lui-même. Découvrez, goûtez, exaltez-vous à goûter la paix infinie de ne vous savoir rien que misère et faiblesse et découvrez l'immense exaltation d'être prise ainsi par le Christ. Albert Peyriguère, Laissez-vous saisir par le Christ, lettre du 20 septembre 1946
L´Auteur : Albert Peyriguère (1883-1959) Prêtre de Bordeaux et professeur au petit séminaire, il découvre durant sa convalescence après une blessure de guerre les écrits de Charles de Foucauld. Devenu ermite à El Kbab, dans le Moyen-Atlas au Maroc, il y sert les pauvres sans relâche, tout en approfondissant la doctrine de son maître spirituel, et en faisant comme lui œuvre d’ethnologue. Il fut aussi un grand directeur spirituel, ce dont témoigne sa correspondance. ![]() |