Lundi 15 décembre 2025

La nuit de nos cœurs

La prière de ce jour :

Seigneur, que la venue de ton Fils éclaire la nuit de nos cœurs !

Les habitants de Bethléem n’étaient pas plus méchants que nous, et nous ne sommes pas plus méchants qu’eux. De braves gens, pour la plupart, des gens comme nous, et pourtant,

Rebutée dans toutes les hôtelleries, Marie est réduite à se retirer dans une étable ; c’est là que naît le Fils de Dieu ; au sein de la pauvreté, de l’humiliation, de la souffrance. Une crèche remplie d’un peu de paille lui tient lieu de berceau, de pauvres langes l’enveloppent ; au milieu de la nuit, dans la plus rude saison de l’année, dans un lieu ouvert à tous les vents, son corps tendre et délicat est exposé aux injures de l’air. Personne n’assiste à sa naissance ; on ne lui donne aucun secours, aucun soulagement.

Jean-Nicolas Grou, Manuel des âmes intérieures

L’illusion serait de croire que nous aurions reconnu Jésus-Christ si nous l’avions rencontré il y deux-mille ans, alors que nous ne ne lui ouvrons pas notre cœur aujourd’hui :

Comment traitons-nous le Christ dans les hommes : avons-nous pour eux cet infini respect qui vient de l’adoration du Christ ? L’obéissant au Christ que nous avons cherché à être devient-il leur serviteur, humble jusqu’aux dernières conséquences ?

Parlons-nous au Christ quand nous parlons aux hommes, parlons-nous du Christ quand nous parlons des hommes ?Souvenons-nous de certains jugements, de certaines intonations, de certaines expressions.Si nous ne demandons pas avec quel blé sont faites les hosties, pourquoi donnons-nous tant d’importance à la pâte humaine où habite le Christ ? aux qualités humaines, aux valeurs, aux dons : intelligence, attraits naturels, civilisation ?N’y a-t-il pas des hommes que nous aimons plus comme on aime un chien fidèle, que comme on doit aimer le Christ ?N’y a-t-il pas des hommes que nous mettons hors du jeu à cause de leurs opinions, de leur classe ou de leur nationalité, de leur race ?

Pour le chrétien, il n’y pas moyen d’aimer Dieu sans aimer l’humanité ; il n’y a pas moyen d’aimer l’humanité sans aimer tous les hommes ; il n’y a pas moyen d’aimer tous les hommes sans aimer les hommes qu’il connaît, d’un amour concret, d’un amour actif. C’est cette loi à elle seule qui est la loi du bien et du mal. C’est elle qui trie pour l’humanité entre le bon et le mauvais. C’est la loi vitale de l’humanité immortelle. La connaître, c’est avoir la science fondamentale de notre devenir.

Comment sortir de cet aveuglement spirituel ?

Le cœur des hommes de notre temps s’asphyxie lentement, sournoisement, d’une absence universelle : celle de la bonté. La bonté, c’est vraiment la traduction du mystère de la charité. C’est pourquoi elle n’est authentique, pleine, robuste, sans boursouflure et sans lacune, que si elle est la conséquence de la charité en nous, que si elle vient de Dieu, que si elle est un reflet de Dieu.

Madeleine Delbrêl, Nous autres gens des rues

L´Auteur :

Grou (Jean-Nicolas, 1731-1803)

Né à Calais, Jean-Nicolas Grou entre chez les jésuites à 15 ans. Brillant professeur de lettres, sa rencontre avec la visitandine Pélagie Lévêque l’ouvre à la mystique. La Révolution française l’exile en Angleterre à partir de 1792.

Delbrêl (Madeleine, 1904-1964)

Fille unique d’un foyer religieusement indifférent, Madeleine se convertit à 20 ans au contact de jeunes amis chrétiens. Devenue assistante sociale dans la banlieue rouge de Paris, elle forme avec quelques compagnes une fraternité missionnaire, très liée aux combats sociaux et aux tentatives d’évangélisation du monde ouvrier.