Mardi 16 septembre 2025

Saints Corneille et Cyprien

N’arrête pas ton désir !

Maintenant, regarde devant toi et ne te retourne pas. Toute ta vie, désormais, n’a besoin que d’une chose, si tu dois progresser en perfection : que tu te tiennes en désir. Mais je dois te dire ceci : Dieu est un amant jaloux, et il n’admet aucun partage ; il ne lui va pas d’opérer en ta volonté à moins d’y être seul, rien qu’avec toi ; il ne demande aucune aide, mais toi seul. Il le veut, tandis que toi, tu n’as qu’à le regarder et à le laisser faire, lui seul. Ferme aussi fenêtres et portes, à cause des mouches et des ennemis qui s’efforcent d’entrer.

Si tu t’attaches à vivre ainsi, tu n’as besoin que de le supplier humblement par la prière, et bientôt il t’aidera. Supplie-le, laisse voir ce que tu veux : il est tout prêt et n’attend que toi. Mais que vas-tu faire, et comment vas-tu le supplier ? Élève ton cœur à Dieu dans un humble élan d’amour. Cherche-le, lui seul, et non pas ses dons ; et ainsi, vois comme il est fade de penser à autre chose qu’à lui-même ; et comme cela, lui seul, et rien d’autre, opérera en ton intelligence et en ta volonté. Fais cela, ce qui consiste à oublier toutes les créatures que Dieu ait jamais faites, ainsi que leurs œuvres, de telle sorte que ni ta pensée, ni ton désir, ne soit orienté ou tendu vers aucune d’elles, que ce soit en général ou en particulier ; laisse-les aller et n’y prête pas attention : voilà l’œuvre de l’âme qui plaît le plus à Dieu.

Anonyme du XIVe siècle, Le Nuage d’inconnaissance, ch. 2

MÉDITATION

«Que tu te tiennes en désir» : c’est ce désir mis par Dieu en notre cœur qu’il s’agit de libérer. Le drame du péché est d’avoir remplacé ce désir par nos pauvres envies, de nous avoir fait confondre bonheur et plaisir, ce qui est éternel et ce qui est volatil.

«Dieu est un amant jaloux.» Il nous veut tout entier, et nous ne serons pas heureux tant que nous chercherons moins que lui. Dès lors, «cherche-le, lui seul, et non pas ses dons» : ce continuel dépassement de ce que Dieu nous donne lui permet de nous donner toujours plus, faisant grandir notre désir en même temps qu’il le satisfait, à la fois sur le plan de la connaissance et sur celui de l’amour («il opérera en ton intelligence et en ta volonté»).

Ce dépassement n’est pas tant affaire d’effort que de «ne pas prêter attention» à ce qui est moins que Dieu. «Voilà l’œuvre qui plaît à Dieu» : il ne s’agit de s’offrir inconditionnellement à sa grâce, notre rôle étant de l’accepter.

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