Jeudi 20 novembre 2025

Vénérable Agnelo de Souza

Missionnaire indien S.F.X. (+ 1927)

L'amour est toujours crucifié

Une vie sans croix est une vie sans amour. Ces mots qui se disent de plusieurs : «il faut passer sa vie doucement », sont indignes d’une bouche chrétienne ; car c’est dire : il faut vivre naturellement et bassement. Il n’y a rien d’aimable ni de beau après la Divinité, que la croix de Jésus-Christ. Nous étendons notre nécessité à trop de viandes, trop de récréations, trop de commodités. La nature vit de peu ; le clabaudement du monde et la crainte de perdre nos santés nous gâtent. Oh qu’il est rare de trouver des âmes vraiment amoureuses de la croix ! Je tiens que ce peu d’amour que nous avons pour les souffrances, est l’unique cause, que nous avançons si peu dans les voies de la grâce, qui en sont toutes parsemées depuis le commencement jusqu’à la fin ; prenons-y bien garde, et nous le verrons.

Dieu peut rendre facile par sa grâce ce qui est impossible par nature ; il faut toujours demander la grâce de l’amour des croix : ce n’est pas pour en venir dans les excès des pénitences corporelles ; mais c’est pour embrasser avec amour et générosité les petites contradictions, humiliations qui arrivent, soit de la part du prochain, ou de nos propres imperfections, ou par les ordres secrets de la providence : il y a toujours de quoi souffrir au corps et en l’esprit, et le grand secret, c’est d’en bien user.

Jean de Bernières-Louvigny (1602-1659), Le Chrétien intérieur, VI, 2

MÉDITATION   

    Si nous voulons éviter les croix, elles nous rattraperont de toute façon : qu’il s’agisse de notre santé, de nos affaires, de nos affections, Dieu n’a pas prévu que tout irait toujours selon nos envies. La première sagesse est d’en prendre acte, et c’est d’abord à cela que nous invite le jeûne.

    Faisons de nécessité vertu : plutôt qu’esquiver les croix, plutôt que nous révolter quand elles s’imposent, recevons-les comme Dieu nous les envoie, c’est-à-dire comme des occasions de lui faire plus confiance. Si nous ne comprenons pas que son amour passe par nos croix, c’est que cet amour dépasse tout ce que nous pouvons comprendre.

    Commençons par vivre dans la foi et la générosité les mille petites croix quotidiennes : « Il y a toujours de quoi souffrir au corps et en l’esprit, et le grand secret, c’est d’en bien user. » Sans cette disponibilité aux croix que la Providence nous envoie, les jeûnes et les épreuves que nous inventerons n’auront aucune valeur.

L´Auteur :

Bernières-Louvigny (Jean de, 1602-1659)

Fils d’un trésorier général de Caen, Jean de Bernières-Louvigny consacrera sa fortune et ses relations à l’animation du groupe mystique normand né autour du capucin Jean-Chrysostome de Saint-Lô, tout en assurant l’intendance de nombreuses entreprises missionnaires, et en fondant séminaires et hôpitaux à partir de son ermitage ouvert à ses nombreux amis contemplatifs. À travers son disciple Jacques Bertot, son influence marquera profondément le cercle de Madame Guyon. Ses écrits, connus à travers des transcriptions incertaines, notamment sous le titre du Chrétien intérieur, seront d’ailleurs englobés dans les condamnations du Quiétisme de la fin du siècle, sans pour autant qu’il y ait lieu de se méfier de leur orthodoxie.