Mercredi 19 novembre 2025

Saint Raphaël Kalinowski

Carme polonais (+ 1907)

Aimer comme Jésus

    Je fis oraison sur ce divin commandement que Jésus nous a laissé comme par testament, étant proche de mourir pour nous : que nous nous aimions les uns les autres, ainsi qu’il nous a aimés. Et je connus que quand on a bien entré dans le cœur de Jésus-Christ, et qu’on a pénétré dans l’oraison l’amour d’un Dieu vers les hommes, la grâce fait découvrir combien cette charité divine a été gratuite, généreuse et magnifique.

    Or il veut que notre charité pour le prochain soit réglée sur ce divin modèle, et que nous l’aimions hautement, c’est-à-dire, par des motifs tout divins, et pour accomplir le bon plaisir de Dieu qui nous a fait ce commandement ; et que nous l’aimions aussi généreusement, c’est-à-dire sans prendre garde aux aversions et antipathies naturelles, aux imperfections qui nous choquent, aux maux ou aux torts qu’ils nous ont pu faire, s’il est de bonne ou mauvaise humeur, s’il correspond ou non à notre amitié. Il veut que nous exprimions en nous la perfection de notre Père céleste, qui fait pleuvoir sur les bons et sur les méchants, et de Jésus-Christ qui a enfermé dans son sacré cœur, durant sa vie mortelle, tous les hommes, même ses plus grands ennemis.

    Que nous avons peu de zèle pour Dieu, peu de zèle pour le prochain, et peu de zèle pour nous-mêmes !

Jean de Bernières-Louvigny (1602-1659), Le Chrétien intérieur, V, 7

MÉDITATION   

    Une prière authentique nous ouvre toujours le cœur à nos frères : la prière nous transformant en Dieu, elle transforme notre regard en celui de Jésus, et c’est sans effort que nous nous mettons alors à les voir comme il les voit, sans les mesurer aux avantages ou désavantages que nous y trouvons.

    Et nous voyons alors qu’aimer n’est pas profiter de nos frères, trouver qu’ils sont forcément agréables ou gentils, mais nous mettre inconditionnellement à leur service, tout simplement parce qu’ils sont nos frères. Il n’y a d’amour que dans la gratuité.

    Notre vie chrétienne n’est pas tant pour « faire » des choses généreuses au profit des autres, que pour laisser le Christ changer notre regard sur eux, de telle sorte qu’ils ne soient plus « autres », mais frères.

L´Auteur :

Bernières-Louvigny (Jean de, 1602-1659)

Fils d’un trésorier général de Caen, Jean de Bernières-Louvigny consacrera sa fortune et ses relations à l’animation du groupe mystique normand né autour du capucin Jean-Chrysostome de Saint-Lô, tout en assurant l’intendance de nombreuses entreprises missionnaires, et en fondant séminaires et hôpitaux à partir de son ermitage ouvert à ses nombreux amis contemplatifs. À travers son disciple Jacques Bertot, son influence marquera profondément le cercle de Madame Guyon. Ses écrits, connus à travers des transcriptions incertaines, notamment sous le titre du Chrétien intérieur, seront d’ailleurs englobés dans les condamnations du Quiétisme de la fin du siècle, sans pour autant qu’il y ait lieu de se méfier de leur orthodoxie.