Vendredi 21 novembre 2025

Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie

Un amour sans limite

    C’est pour satisfaire pleinement à son amour que Dieu nous a donné son propre Fils, ce Fils égal à lui en majesté et perfection, de même substance et nature que lui. Dans son amour pour nous, il n’a été entraîné par aucune nécessité ou contrainte : seule sa propre et naturelle bonté l’a porté à une si grande et si incompréhensible affection pour nous. Aucune œuvre, aucun mérite de notre part n’a pu provoquer ce Seigneur souverain à aimer ainsi à l’excès notre bassesse : c’est par pure libéralité qu’il s’est donné tout entier à nous, ses créatures pourtant très indignes. Et si vous examinez la pureté de cet amour, vous n’y trouvez pas ce mélange d’intérêt qui est le propre des amours mondaines. En effet, le Seigneur n’a pas besoin de nos biens, son bonheur et sa gloire étant parfaitement accomplis en lui-même et sans nous : tout cela ne nous est venu que de sa bonté et de sa charité ineffables en notre faveur, et le bénéfice n’en a pas été pour lui, mais pour nous.

    Je vois bien, ô mon Dieu, dans la lumière de ton ardente charité, que tu n’as qu’un dessein, qui me découvre plus clairement que jamais la pureté de ton amour pour moi : tu ne te donnes tout entier à moi en nourriture, que pour me changer tout entier en toi. Non pas que tu aurais besoin de moi, mais pour qu’en vivant en moi et moi en toi, je devienne toi-même par union d’amour, et que mon pauvre cœur terrestre ne fasse plus avec le tien qu’un seul et divin cœur.

Lorenzo Scupoli, Le Combat spirituel, 55

    MÉDITATION

    Parfois les textes de la liturgie nous font prendre pleine conscience de l’amour infini de Dieu pour nous. Dieu ne nous doit rien, et pourtant il veut nous devoir tout, et c’est cela qui explique qu’il soit allé jusqu’à nous donner son propre Fils.

    Il nous faut à chaque instant revenir à ce socle de la vie chrétienne : Dieu nous aime d’un amour que rien n’explique, mais qui explique tout, qui donne tout son sens à la création et à l’Histoire. À ce niveau, le péché même n’est qu’un détail, en ce qu’il n’a pas remis en cause cet amour.

    La création et l’Histoire n’ont qu’une explication : ce Dieu qui m’aime veut ne faire qu’un avec moi, et pour cela me changer en lui, et lui en moi. C’est à propos de l’eucharistie que Scupoli écrit ces lignes, mais l’eucharistie ne fait que porter à ses dernières conséquences ce que Dieu veut entre lui et moi de toute éternité.

L´Auteur :

Scupoli (Laurent, 1530-1610)

Né à Otrante en 1530, François Scupoli rencontre à Naples la fervente et jeune famille sacerdotale des Théatins, fondée à Rome en 1524. Il y entre en 1569, y reçoit le nom de Laurent, et y sera formé par saint André Avellin, avant d’être transféré à Plaisance, où il sera ordonné prêtre en 1577, puis à Milan, Gênes, Venise, et Naples. Accusé, sans doute à tort, d’un grave délit en 1585, il fut en disgrâce parmi les siens, jusqu’à sa réhabilitation au soir d’une vie dont on ne connaît guère que l’humilité et la discrétion.

Édité à Venise en 1588 sans nom d’auteur, le Combat Spirituel connut très vite un immense succès qui lui valut plus de 600 éditions dans toutes les langues jusqu’à nos jours. Son plus fameux lecteur sera saint François de Sales, qui ne s’en séparait jamais et en donnera une traduction française. Petit manuel de confiance absolue en la bonté de Dieu et de défiance envers soi-même, on y trouve déjà le secret du salésianisme : l’attention à la présence amoureuse de Dieu dans les moindres détails de la vie la plus ordinaire.