Dimanche 19 octobre 2025

29ème Dimanche du Temps ordinaire

L’amertume du temps qui passe

De quelque côté que se tourne l’âme de l’homme, c’est pour souffrir qu’elle s’établit ailleurs qu’en toi, Seigneur, fût-ce même sur ce qu’il y a de beau en dehors de toi et en dehors d’elle. D’ailleurs, il n’y aurait point de choses belles, si elles ne provenaient de toi. Elles naissent et elles meurent ; en naissant elles commencent d’être, pour ainsi dire ; elles croissent pour atteindre leur perfection, et une fois parfaites, elles vieillissent et elles meurent. Tout ne parvient pas à la vieillesse, mais tout meurt. Donc, lorsqu’elles naissent et s’efforcent d’être, plus vite elles croissent pour être, plus elles se hâtent de ne plus être. Telle est leur loi ; voilà tout ce que tu leur as donné, du fait qu’elles ne sont que les parties des choses dont elles forment l’ensemble en disparaissant et en se suivant, mais qui ne sont pas toutes à la fois.
Que mon âme te loue pour toutes ces choses, ô Dieu, créateur de l’univers, mais qu’elle ne s’y prenne point à la glu de l’amour qui se perçoit corporellement ! Car elles vont où elles allaient pour cesser d’être, et elles déchirent l’âme de désirs empestés, parce qu’elle-même veut être, et qu’elle aime à se reposer dans ce qu’elle aime. Mais en ces choses, point de repos : elles ne sont pas stables, elles s’enfuient, et qui peut les suivre quand on les sent selon la chair ?

Saint Augustin (354-430), Confessions, IV, 10

MÉDITATION

En nous établissant au paradis terrestre, Dieu ne voulait pas que nous y restions indéfiniment, mais que nous y passions le temps d’un mûrissement qui nous aurait portés à l’état de gloire dans la vie éternelle : le modèle nous en est donné par l’assomption de Marie, qui n’a pas connu la corruption du péché. 
Le péché a cassé ce destin divin de l’homme, et le mûrissement est devenu pourrissement : désormais, lorsque nous vivons « selon la chair », le temps qui passe souligne à la fois notre désir d’éternité, et notre expérience de mort. 
Saint Augustin a connu jusqu’au désespoir cette expérience de mort : ni l’étourdissement dans la sensualité, ni les faux succès du monde, ni même le réconfort de ses amitiés n’ont pu étouffer en lui la voix du Bon Pasteur à la recherche de la brebis perdue. La même voix retentit en nous, au-delà de toutes nos tentatives pour l’oublier…

L´Auteur :

Augustin (Saint, 354-430)

Saint Augustin, fils d’un père païen et de la pieuse sainte Monique, le plus célèbre, le plus lu et le plus commenté des Pères de l’Église latine, est un berbère de l’actuelle Algérie. Converti par la prédication de saint Ambroise (en 386) après une jeunesse orageuse et la parfaite éducation d’un rhéteur de l’Empire romain finissant, il est évêque d’Hippone en 395. Son œuvre immense ouvre le Moyen Âge ; rédigée au moment où les invasions barbares marquent la fin de l’Antiquité, elle domine la théologie et la spiritualité occidentales.