Jeudi 12 juin 2025

Bienheureux Guy de Cortone

Rester attaché au Seigneur

Un homme saisi par la fièvre et consumé par elle, trouve répugnant et repousse les aliments et les boissons qu'on lui présente, quelque agréables qu'ils soient, parce qu'il est brûlé par la fièvre et violemment travaillé par elle. Il en est de même pour ceux que consume le désir céleste, saint et sacré de l'Esprit, pour ceux dont l'âme est blessée par l'amour de la charité divine et est violemment travaillé par ce feu divin et céleste que le Seigneur est venu apporter sur la terre et dont il veut qu'il soit allumé au plus tôt (Lc 12, 49), pour ceux qui sont embrasés du désir céleste du Christ. De tels hommes, comme il a été dit, considèrent comme méprisables et haïssables les choses de ce monde si vantées et si prisées, à cause du feu de l'amour du Christ qui les presse, les consume et les embrase par une inclination vers Dieu et par les biens célestes de la charité. De cette charité, rien de tout ce qui est au ciel, sur la terre ou aux enfers ne peut les séparer, comme en témoigne l'Apôtre Paul : « Qui nous séparera de la charité du Christ », etc (Rm 8, 35).

Mais seul obtiendra et possédera en son âme la charité de l'Esprit céleste, celui qui se rend étranger à toutes les choses de ce siècle, pour se livrer à la recherche de l'amour du Christ, et dont l'intellect se tient hors de tout souci matériel et de toute distraction terrestre, en sorte qu'il puisse être tout entier occupé de son unique but, menant tout cela à bien grâce à tous les commandements, en sorte que tous ses soucis et toutes les distractions et les tracas de son âme, aient rapport à la recherche de l'essence immatérielle, au souci d'orner l'âme en pratiquant les commandements relatifs aux vertus, en recevant la céleste beauté de l'Esprit, en participant à la pureté et à la sanctification du Christ. Ainsi, ayant renoncé à tout, retranché tous les obstacles terrestre et matériels, se tenant éloigné de tout amour charnel et même de tout attachement aux parents et aux  proches, l'homme ne doit plus permettre à son intellect d'être occupé ou distrait par quoi que ce soit d'autre, comme le pouvoir, la gloire, les honneurs, les amitiés charnelles de ce monde (cf Jc 4, 4), ou les autres préoccupations terrestres. Au contraire, son intellect doit prendre complètement sur lui le souci et la tribulation que lui imposera la recherche de l'essence immatérielle de l'âme, et supporter sans défaillance d'attendre et de guetter la venue de l'Esprit, comme le dit le Seigneur : « Par votre patience, vous posséderez vos âmes » (Lc 12, 19). Et encore : « Cherchez le Royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33).

Celui qui combat de la sorte et reste constamment attentif à lui-même, soit dans la prière, soit dans l'obéissance, soit dans toutes les autres actions qu'il accomplit selon Dieu, pourra ainsi échapper aux ténèbres des puissances mauvaises. Car l'intellect qui ne cesse jamais d'être en quête de lui-même et de rechercher le Seigneur, peut posséder sa propre âme, que les passions mettaient en péril, en se réduisant constamment lui-même en captivité, avec violence et ardeur, à l'égard du Seigneur, et en adhérant à lui seul, suivant le mot de l'Écriture : « Nous faisons toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ » (II Co 10, 5). Ainsi, grâce à ce combat, à ce désir et à cette recherche, l'intellect deviendra digne d'être uni avec le Seigneur en un seul Esprit, l'Esprit du don et de la grâce du Christ (I Co 6, 17), lequel repose alors dans le réceptacle de l'âme, rendue propre à toute œuvre bonne, et qui n'attriste plus l'Esprit du Seigneur par ses volontés propres, par les inquiétudes de ce monde, par le désir de la gloire, par l'esprit de domination, par l'attachement à ses idées, par les plaisirs charnels, par les relations et les rapports avec des hommes mauvais.

Saint Macaire d'Egypte, Homélie spirituelle 9

L´Auteur :

Saint Macaire d’Egypte (+ 390)

Prêtre et abbé du monastère de Scété en Égypte aux confins de la Libye. Ancien chamelier, il apprit à la suite de saint Antoine à mourir au monde et à lui-même et à vivre pour Dieu seul, et il enseignait à ses disciples à faire de même.